エピソード

  • L'avion doit-il être plus cher?
    2025/06/17

    Le secteur de l'aviation commerciale est responsable d'environ 3% des émissions de gaz à effet de serre. Faut-il alors augmenter le prix des billets pour promouvoir des moyens de transport plus climato-compatibles, comme le train ?

    Dès l’ouverture du Salon du Bourget, le plus grand salon aéronautique au monde qui se tient près de Paris, le constructeur d’avions Airbus a roulé des mécaniques en annonçant ce lundi des commandes pour plus de 120 appareils, à la hauteur de la croissance continue du secteur. On prend de plus en plus l’avion dans le monde, alors qu’il faudrait au contraire freiner, pour des raisons climatiques évidentes. Le transport aérien représente environ 3% des émissions mondiales de CO2, le principal gaz à effet de serre, sans parler d'autres effets dans le réchauffement climatique.

    L’avion devrait-il ainsi être plus cher ? La question se pose au regard de certaines aberrations. Il y a quelques mois, un couple de Britannique habitant les Cornouailles, à la pointe sud-ouest de l'Angleterre, voulaient aller à Manchester, dans le nord de l'Angleterre, à 430 kilomètres de chez eux. Ils ont préféré faire 2 000 km en avion en allant passer une nuit à Malaga, dans le sud de l'Espagne, parce que l'avion était moins cher, 182 euros en tout, nuit d'hôtel comprise, alors que leur voyage en train leur aurait couté 474 euros. L'avion leur est revenu 2,5 fois moins cher que le train.

    À lire aussiBudget de la France: de lourdes taxes sur les billets d'avions sont prévues

    L'avion pollue

    D'un strict point de vue économique, l'avion était plus rentable. Mais sur le plan environnemental, la question est beaucoup plus discutable. En train, le couple d'Anglais aurait dépensé ou émis à peu près 4 kilos de CO2 chacun. En choisissant l'avion, leur bilan carbone a explosé à 375 kilos de CO2. Ils ont préservé leur pouvoir d’achat mais ils ont un peu plus pollué la planète. L'avion n'est plus réservé à une élite mais la démocratisation a un vrai coût climatique. Cinq milliards de billets d'avions ont été vendus dans le monde en 2024, soit cinq fois plus qu'il y a 35 ans.

    C’est notamment l’effet low-cost, l’essor des compagnies aériennes à bas coût. Elles vendent certains billets à perte pour remplir leur avion, sachant qu'elles se rattrapent sur le reste. 40% de leur chiffre d'affaires provient de la vente de services complémentaires comme le choix du siège ou la vente de repas.

    Par rapport au train, l'avion est avantagé et subventionné. Le kérosène, le carburant des avions, n'est pas taxé, alors que l’électricité qui fait rouler les trains est assujettie en France à 20% de TVA. Dans le transport, ce qui coûte le plus cher, ce sont les infrastructures. Et en avion, à part l'aéroport, le ciel est gratuit alors qu'en train, il faut utiliser des rails. En France, la redevance payée par la SNCF au réseau ferré représente 40% du prix du billet.

    Un vol tous les dix ans

    Il faudrait augmenter le prix des billets d'avions pour espérer limiter le trafic aérien, dans un monde idéal. Mais on est dans un monde libéral. Pour renchérir le prix du billet, il y a bien la taxe Chirac, la taxe de solidarité sur les billets d'avion lancée il y a 20 ans et appliquée par une poignée de pays. Elle n'a pas vraiment d’effet dissuasif.

    Il y a deux ans, la France avait aussi voulu imposer un prix plancher des billets d'avions. Elle n'a pas été suivie. Il faut aussi savoir que 50% des émissions de CO2 de l'aviation est générée par seulement 1% des voyageurs, les plus riches, pour qui le prix du billet n’est pas un obstacle.

    Limiter l'avion pour limiter le réchauffement climatique, c’est l’une des recommandations du Giec (les experts internationaux du climat). Pour atteindre des objectifs climatiques raisonnables, des hausses de températures supportables, il faudrait limiter ses émissions de CO2. A 2 tonnes par an pour un Français qui émet aujourd'hui en moyenne un peu plus de 10 tonnes. Deux tonnes de CO2, c'est justement un aller-retour Paris-New-York. En conséquence, toujours selon le Giec, il ne faudrait prendre l'avion qu'une fois tous les dix ans.

    続きを読む 一部表示
    4 分
  • Y a-t-il un écocide à Gaza?
    2025/06/16

    La multiplication des crimes contre l'environnement liés aux bombardements d'Israël dans l'enclave palestinienne pourrait rendre la terre inhabitable.

    Alors que les accusations de génocide se multiplient dans la bande de Gaza, une autre notion entre en jeu, celle d'écocide, de crimes contre l’environnement. À la différence du crime de génocide, l'écocide n'est pas reconnu en tant que tel par la Cour pénale internationale, même si des crimes contre l'environnement peuvent être condamnés en tant que crimes de guerre ou crime contre l'humanité. À Gaza, le sort fait à l'environnement et la nature pourrait paraitre secondaire, aux regards des accusations de génocide, mais ces questions sont en réalité liées.

    À lire aussiIsraël pilonne Gaza: «C'est du terrorisme d'État qu'on subit»

    Les crimes environnementaux commis par Israël dans la bande de Gaza sont innombrables. « Les munitions qui contiennent des métaux lourds et des produits chimiques explosifs ont pollué le sol et les sources d’eaux, posant un risque sanitaire durable. Elles ont détruit en masse des infrastructures civiles comme les réseaux d’eau potable, les stations d’épuration, les terres agricoles, énumère Farah Al Hattab, juriste et chargée de campagne à Greenpeace Moyen-Orient. 270 000 tonnes de déchets solides se sont accumulées. Des stations d’épuration des eaux usées ont cessé de fonctionner, ce qui peut contaminer les plages, les sols, les eaux souterraines, avec des substances dangereuses. » La guerre cause des dégâts, et ils sont souvent durables. Une étude a montré qu'en France, un siècle après la Première Guerre mondiale, la pollution s'aggravait sur les anciens champs de bataille truffés de bombes à retardement.

    « Une stratégie intentionnelle »

    Dans la bande de Gaza, on évoque le chiffre de 100 000 tonnes de bombes larguées sur un aussi petit territoire, qui pourrait ainsi devenir invivable. « Ce n’est pas juste un effet secondaire de la guerre. C’est une stratégie intentionnelle, qui s’inscrit clairement dans une logique génocidaire, accuse Farah Al Hattab. L’écocide est un moyen de faire durer le génocide dans le temps. En rendant la terre inhabitable, en supprimant toute possibilité de subsistance, on empêche tout simplement un peuple de vivre chez lui. »

    À lire aussiGaza: «C'est un génocide qui se déroule sous nos yeux»

    La même stratégie serait d’ailleurs à l'œuvre en Cisjordanie occupée. Il y a l'accaparement de l'eau par les colons, et puis il y a les oliviers, cible privilégiée depuis très longtemps d'Israël. Depuis l'occupation de 1967, les Nations-Unies estiment qu’entre 800 000 et 2 millions d’oliviers ont été coupés, brûlés ou arrachés sur le territoire palestinien. L'olivier est normalement un symbole de paix, mais il est en Cisjordanie le symbole d'une violence faite aux Hommes et à la nature.

    Oliviers arrachés

    « Regardez, voilà la vidéo, montrait il y a quelques mois un Palestinien de Cisjordanie, Abdel Azim Wadi, à l’envoyé spécial de RFI Nicolas Feldman. Ils ont coupé tous nos oliviers, 107 arbres en tout. Les miens et ceux de mon voisin. Les colons veulent confisquer nos terres. Avant le 7-Octobre, on venait ici sur notre terre quand on était triste, ça nous calmait. Mais aujourd’hui, on vient avec la peur. »

    Cette politique de l'arbre brûlé s'est accélérée depuis le 7 octobre 2023, avec plus de 52 000 oliviers abattus en Cisjordanie, selon le Bureau des affaires humanitaires des Nations unies. Un double déracinement, que dénonce Farah al-Hattab, de Greenpeace Moyen-Orient, pour qui il s’agit de « déraciner les Palestiniens physiquement et symboliquement. L’objectif est aussi de faciliter l’expansion des colonies israéliennes. Et c’est aussi une manière d’effacer une présence historique et profonde. » Quand on tue la nature, on cible les femmes et les hommes qui en vivent et y vivent.

    続きを読む 一部表示
    4 分
  • Sommet des océans: faut-il vraiment que les mégots de cigarette finissent dans la mer?
    2025/06/12

    4 500 milliards de mégots finissent chaque année dans l'océan. Les filtres des cigarettes, en plastique, sont le troisième déchet mortel pour la biodiversité marine.

    Jusqu’à la porte d’entrée de RFI, on les remarque. Des tas de mégots jonchent le sol, abandonnés par des fumeurs visiblement trop surmenés pour les jeter dans le cendrier mis à leur disposition à un mètre de là… Jeter son mégot de cigarette par terre, pour un fumeur, c'est un geste aussi « naturel » que sortir son briquet. Et tellement dévastateur. Alors que 95 pays viennent de lancer un appel en faveur d'un traité ambitieux pour limiter le plastique, lors de la Conférence de l’ONU pour les océans qui se tient à Nice dans le sud de la France, la pollution provoquée par les filtres de cigarette, en plastique, est particulièrement mortifère pour les écosystèmes marins.

    Les fumeurs inciviques de RFI ne sont malheureusement pas les seuls au monde. « Les filtres de cigarettes, c’est le déchet qu’on retrouve le plus dans toutes les collectes de déchets, témoigne Lucie Padovani, chargée de plaidoyer à la Surfrider Foundation, une ONG créée par des surfeurs soucieux de préserver les océans. C’est une pollution qui est immense. On compte 4 500 milliards de mégots qui sont jetés dans l’environnement chaque année dans le monde. »

    À écouter aussiQuel est l'impact environnemental du tabac?

    137 000 mégots en mer par seconde

    Une fois jetés négligemment par terre plutôt que dans la poubelle, que deviennent ces mégots ? Dans la nature, une cigarette peut mettre le feu. La majorité des incendies sont provoqués par des mégots mal éteints. Ce mégot, si léger, peut être emporté par le vent, il flotte aussi très bien et va se retrouver dans les rivières et les fleuves. Un mégot, on est presque sûr qu'il va arriver dans la mer. Chaque seconde, dans le monde, ce sont 137 000 mégots qui se retrouvent dans les océans – un chiffre délirant.

    Et c'est là que le mal commence, parce qu'un mégot, c'est d'abord un filtre, 100% plastique, 100% non biodégradable. « Les filtres de cigarette sont fabriqués à partir d’acétate de cellulose. Chaque filtre contient 15 000 fibres d’acétate de cellulose. Pendant la décomposition, on peut avoir 100 fibres qui se détachent par jour, ce qui fait que c’est une pollution qui va être extrêmement diffuse, extrêmement lente et dévastatrice pour l’environnement aquatique », détaille Lucie Padovani.

    Outre la pollution plastique, il y a aussi les substances chimiques issues de la combustion et des additifs que les fabricants de cigarettes rajoutent au tabac, pour rendre encore plus accroc. Elles se retrouvent bien sûr dans les poumons des fumeurs, mais aussi dans les filtres. Avec 7 000 substances chimiques, un seul mégot de cigarette peut contaminer jusqu'à 1 000 litres d'eau de mer.

    Poissons devenus poison

    Face à ce désastre écologique, la plus sûre des solutions est d’arrêter de fumer. Au moins d’arrêter de jeter n’importe où ses mégots de cigarette. L’ONG Surfrider Foundation en appelle, elle, à la solution la plus simple et la plus efficace : interdire les filtres, qui ne servent à rien, sauf à polluer. « L’industrie du tabac a mis en place ces filtres pour donner l’impression que les substances toxiques sont filtrées, rappelle Lucie Padovani, de Surfrider. Mais en réalité, on a maintenant des études scientifiques qui prouvent que ça ne protège pas la santé. »

    La santé des poissons, elle, est directement menacée par ces filtres de cigarette. Les mégots sont le troisième déchet le plus mortel en mer pour la biodiversité, après les filets de pêche et les sacs en plastique. Si on prend juste la nicotine, une expérience a été réalisée dans un litre d'eau, et la moitié des petits poissons qui s'y trouvaient sont morts. En mer, tous ces poissons se retrouvent dans la chaine alimentaire, et le dernier prédateur, c'est nous, humains, qui mangeons des poissons qui sont parfois du poison. On retrouve même du microplastique dans notre sang. Pour gagner du temps, les fumeurs pollueurs pourraient directement avaler leurs mégots !

    続きを読む 一部表示
    3 分
  • Sommet des océans: les aires marines protégées sont-elles vraiment protégées?
    2025/06/11
    Au total, 14,5% de zones maritimes protégées (AMP) : ce sera l'un des acquis de la Conférence des Nations unies à Nice, selon Emmanuel Macron. Mais le niveau de protection est très variable ; la pêche n'est pas forcément interdite dans ces AMP. C'est peut-être l'enjeu principal de la Conférence de l’ONU sur les océans : protéger, d'ici 2030, 30% des mers et des océans. On est à 8%, et selon Emmanuel Macron, mardi soir sur France 2, on devrait passer à la fin du sommet à 14,5%. On serait donc à mi-chemin de cet objectif 30X30 affirmé lors du précédent sommet pour les océans, à Lisbonne en 2022. Nice a permis d’engranger quelques succès. La Polynésie française (au gouvernement autonome) a annoncé la création de la plus vaste aire maritime protégée au monde (AMP), sur plus d'un million de kilomètres carrés dans le sud du Pacifique. La Tanzanie, autre exemple, a annoncé ce mardi la création de nouvelles AMP. Le Royaume-Uni, de son côté, va interdire le chalutage de fond sur plus de la moitié de ses aires marines protégées. Car, oui, on peut pêcher dans les zones protégées, aussi paradoxal que cela puisse être. On pourrait penser, naïvement, qu’une aire marine protégée est protégée de toute activité humaine. C’est en fait un peu plus compliqué que ça. Chaque pays peut décider de faire ce qu'il veut dans ses AMP. Il y a plusieurs niveaux de protection et même dans les aires marines à protection forte, il y a de la pêche destructrice. Parler d’aire marine protégée s’apparente parfois à un abus de langage. « Il y a en France des aires marines avec une protection dite forte, dans lesquelles on chalute, souligne Philippe Cury, directeur de recherche à l'IRD, l'Institut de recherche pour le développement. On a de grands filets qui traînent sur le fond, qui ramassent toute sorte de poissons, qui détruisent les habitats. C’est un peu spécifique à la France : utiliser des termes à mauvais escient. » À écouter aussiComment la communauté scientifique peut défendre les océans ? Résultats spectaculaires La France est la deuxième puissance maritime au monde, grâce à ses territoires ultra-marins. En pointe cette année sur les océans, et à la veille de l’ouverture du sommet de Nice, Emmanuel Macron avait annoncé la limitation du chalutage de fond dans 4 % des eaux françaises métropolitaines. Mais cette annonce a laissé sceptique. L’ONG Bloom a même parlé d’une « escroquerie ». « Le gouvernement français a dessiné quelques petites zones, y a apposé un nouveau label d’aire marine protégée en disant : "Regardez, on a de nouvelles aires marines protégées dans lesquelles on interdit le chalutage de fond". Mais c’est une arnaque, puisque ces zones étaient déjà interdites au chalutage de fond. Rien n’a changé », accuse le directeur scientifique de l'ONG Bloom, Frédéric Le Manach. Au-delà de la polémique, une réalité s’impose : les aires marines protégées sont indispensables, parce qu’elles sont efficaces, quand elles sont gérées sérieusement, quand elles sont suffisamment étendues (au moins une centaine de kilomètres carrés), et quand la protection forte est vraiment forte. Exemple en Californie, où la surpêche avait fait de gros dégâts. « On a dit aux pêcheurs : "Écoutez, on arrête de pêcher et on va faire des aires marines protégées, raconte l'océanographe Phillipe Cury. Les résultats, au bout de 7 ou 8 ans, ont été absolument spectaculaires. On a retrouvé des ressources abondantes. Quand c’est fait de façon structurée, avec un soutien politique et financier, ce sont des outils extrêmement efficaces. » À écouter aussiPourquoi les navires de pêche industriels doivent être bannis des aires marines protégées ? Protéger aussi la haute mer Les AMP servent aussi à lutter contre le changement climatique. Dans les zones protégées, on protège les animaux, mais aussi les végétaux, les plantes marines qui absorbent le CO2 responsable du réchauffement de la planète. « Les zones littorales humides sont extrêmement importantes, comme les mangroves, les marais, les herbiers à posidonie. Ils captent le carbone de façon absolument considérable, bien plus que les sols et les forêts », assure Philippe Cury. La plupart des aires marines protégées se trouvent à proximité des côtes. Mais la haute mer est l’autre grand enjeu du sommet de Nice, qu'il faut aussi protéger. Pour accélérer la ratification du traité sur la haute-mer adopté en 2023, Emmanuel Macron est parti à la chasse aux signatures, une activité nettement plus sympathique que la chasse à la baleine. C’est l’autre annonce du président français mardi soir à la télévision, son autre promesse : avec 66 ratifications, ou engagements de ratification, le traité sur la haute mer devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2026. À lire aussiConférence sur l’...
    続きを読む 一部表示
    4 分
  • Sommet des océans: l'aquaculture peut-elle empêcher la surpêche?
    2025/06/10
    L'élevage industriel de poissons en mer n'est pas la solution promise face à la chute drastique des populations de poissons sauvages. La pisciculture en mer est même mortelle et mortifère. Les poissons d’élevage sauveront-ils les poissons sauvages ? C’est l’un des enjeux de l’aquaculture face à la surpêche, l’une des principales menaces qui pèsent sur les populations de poissons partout sur la planète, et dont on parle cette semaine au Sommet des océans à Nice dans le sud de la France.L'aquaculture, ou la pisciculture, c'est de l'élevage de poissons, comme on élève des porcs ou des poulets. Une méthode qui existe depuis plusieurs milliers d'années, en Égypte ou en Chine, avec notamment l'élevage de carpes, un poisson d'eau douce. Aujourd'hui, ces fermes de poissons en mer sont-elles une solution d’avenir, comme l’affirment par exemple les Nations unies face à la diminution des populations de poissons, pour répondre aux besoins en protéines de l'humanité ? D'ici 2030, on estime ainsi que la consommation de produits de la mer devrait atteindre 20 kg par habitant chaque année.Des poissons pour nourrir des poissonsL'aquaculture industrielle n’est pourtant pas très durable. Elle est même un peu absurde : pour nourrir les poissons d'élevage, il faut pêcher des poissons sauvages. Pour produire par exemple un kilogramme de saumon d'élevage, il faut pêcher deux kilogrammes de petits poissons qui servent à fabriquer de la farine de poisson, qu'on donne ensuite aux poissons d'élevage. 20 % des poissons pêchés en mer aujourd'hui servent seulement à nourrir les élevages. Il y a une zone particulièrement convoitée pour cette pêche, l'Afrique de l'Ouest, avec de gros bateaux, chinois, russes ou européens, qui viennent faire des razzias, « plusieurs centaines de tonnes de poissons par bateau et par jour, raconte Frédéric Le Manach, le directeur scientifique de Bloom, l'ONG qui défend les océans. Le problème de cette pratique-là, c’est que la sardinelle (l’une des espèces de petits poissons ciblée par la pêche minotière) est le poisson consommé par les populations humaines locales. »La pêche industrielle prive aussi de ressources les petits pêcheurs. « On tue complétement l’économie locale du littoral, et donc on génère aussi des migrations. On va pêcher du poisson au large de l’Afrique de l’Ouest pour donner à manger aux Européens. C’est vraiment le monde à l’envers », résume Frédéric Le Manach.À écouter aussiCommunautés de pêcheurs ouest-africaines, menace sur la ressourceÉlevage mortelCette pêche industrielle a des conséquences sur les populations humaines, mais aussi pour les poissons sauvages. Les prédateurs, comme les thons ou les requins, se retrouvent, eux aussi, privés de ces petits poissons. Et dans ce monde absurde, des poissons d'élevage herbivores, comme la carpe, sont désormais nourris avec ces farines de poissons, comme on nourrissait les vaches aux farines animales, avant que n’éclate la crise de la vache folle.L'aquaculture en mer provoque aussi des dégâts écologiques. Il y a le cas des mangroves : 35 % de ces forêts les pieds dans l'eau ont disparu en 20 ans, d’abord à cause de l'élevage de crevettes. Et puis il y a l'élevage de saumons, avec un chiffre pour mesurer l'ampleur du phénomène : la production de saumon, qui était un produit rare sur les tables occidentales, a été multipliée par 12 en 40 ans. Aujourd'hui, c'est une industrie, de l'élevage ultra intensif, avec son lot de promiscuité, de maladies et de mortalité. Dans les élevages de Norvège, la mortalité des saumons dépasse les 16 %, avec 63 millions de poissons morts en 2023.À lire aussiDix choses à savoir sur la surpêche, fléau des océans au fil des sièclesPollutionsCes fermes industrielles entraînent aussi une pollution mortifère. « Toutes les déjections, les animaux morts et la nourriture qui n’est pas consommée se retrouvent dans le milieu sauvage, détaille Frédéric Le Manach, de Bloom. Ces fermes ont donc besoin d’être déplacées régulièrement parce que le milieu environnant devient complétement mort à cause de toute cette pollution organique générée par l’élevage intensif. »Les saumons sauvages sont eux-mêmes « pollués ». Ces fermes en mer ne sont isolées du milieu naturel que par un filet. Des saumons d'élevage s'échappent régulièrement, ce qui n'est pas neutre. « Ces saumons-là, affaiblis génétiquement pour avoir une croissance plus rapide, vont affaiblir d’un point de vue génétique les saumons sauvages s’ils se reproduisent avec eux », précise encore Frédéric Le Manach, le directeur scientifique de Bloom. Des saumons sauvages qui sont déjà de plus en plus rares et menacés. Vous ne regarderez plus vos sushis de la même manière.À écouter aussiComment les nutriments polluent-ils les océans?
    続きを読む 一部表示
    3 分
  • Conférence de Nice: en quoi les océans sont importants?
    2025/06/09

    L'Unoc, la Conférence des Nations unies sur l'océan, s'ouvre lundi 9 juin dans le sud de la France. Menacés, les mers et les océans, à l'origine de la vie, ont un rôle majeur dans la régulation du climat et l'alimentation.

    Le sommet des océans, qui s’ouvre à Nice ce lundi en présence des représentants de 167 États, le troisième du genre, est important parce que les océans sont importants. Par la taille d'abord. Ce qu'on appelle la Terre est en fait recouverte à 70 % de mers et d'océans. Le seul océan Pacifique, qui représente un tiers de la surface du globe à lui tout seul, est le plus grand et le plus profond. La fosse des Mariannes, l’endroit le plus profond au monde, se trouve à plus de 10 000 mètres en dessous de la surface de l'eau.

    Il y a, dans les océans, 1,4 milliard de km3 d'eau. De ce fait, 97 % de l'eau présente sur la planète est salée : l'eau de la mer et de l'océan.

    Dans cette immensité, il y a de la vie. C'est même là, quelque part dans l'océan (à l'époque, il n'y avait pas encore de continents), que la première forme de vie est apparue, il y a 3 milliards d'années environ, soit 1,5 milliard d'années après la genèse de la terre. La génétique l'a montré : tous les êtres vivants sur terre et en mer aujourd'hui possèdent de l'ADN issu de ces premières formes de vie microscopiques. Si nous sommes là, c'est grâce au plancton et à la première révolution énergétique qu'il a rendu possible : la photosynthèse, qui a transformé la lumière du soleil en énergie et qui a produit de l'oxygène. Tout ce qui est à la base de la vie s'est produit dans les océans.

    À lire aussiÀ quoi doit servir la Conférence de l’ONU sur l’océan à Nice?

    Puits de carbone, puits de chaleur

    Le plancton a un rôle majeur. Il produit de l'oxygène – l'océan abrite la moitié de l'oxygène de la planète. Les microalgues séquestrent aussi du CO2, le principal gaz responsable du réchauffement climatique. Au même titre que les forêts, le plancton, comparable à une immense forêt marine, absorbe près de 30 % du CO2. Les océans sont des puits de carbone, également des puits de chaleur : ils absorbent 90 % de l'excès de chaleur provoqué par le changement climatique. Ils ont en fait un rôle de régulateur du climat, qui serait beaucoup plus extrême sans les océans. Le plancton est aussi majeur parce qu'il est à la base de la chaine alimentaire. Sans plancton, pas de poisson.

    À lire aussiConférence sur l'Océan: «l’Afrique s’attend à» avoir «plus de poids dans la discussion», dit Foga Agbetossou

    C'est là un autre apport capital des océans : ils permettent de nous alimenter. Plus de trois milliards d'humains dépendent du poisson pour se nourrir. Près d'un milliard vivent de la pêche et de l'aquaculture. Mais « nos océans sont en faillite », alerte depuis des années le Fond mondial pour la nature (WWF). La surpêche menace toute la biodiversité marine, si riche et si fascinante, à l’image de la baleine bleue, le plus grand animal de la planète.

    La vie sur Terre dépend de la mer

    Et pourtant, les humains détruisent les océans. Chaque minute, 15 tonnes de plastique atterrissent dans la mer, ce qui est mortifère pour les animaux marins. Ce plastique se retrouve in fine dans nos assiettes. L'excès de carbone, provoqué par les activités humaines, rend les océans plus acides, ce qui menace également toute la biodiversité marine (une des limites planétaires qu'on est sur le point de franchir).

    Quant aux coraux, qui abritent 25 % de la biodiversité marine, ils sont de plus en plus menacés par le réchauffement climatique. Sans les océans, ce serait la catastrophe, et nous, humains, nous ne serions pas là, nous ne serions plus là. La vie sur Terre dépend de la vie en mer.

    続きを読む 一部表示
    4 分
  • Peut-on boire l'eau de pluie?
    2025/06/05

    Une étude japonaise vient de révéler la présence d'un insecticide dans des gouttes d'eau de pluie. Pesticides, mais aussi plastique et polluant éternels (PFAS) sont entrés dans le cycle de l'eau, rendue impropre à la consommation.

    C’est la dernière nouvelle tombée du ciel : il y a des pesticides même dans la pluie. Des chercheurs japonais viennent de retrouver dans des gouttes d’eau de pluie des traces de néonicotinoïdes, cette famille d'insecticide qui fait tant de mal aux abeilles et que le Parlement français pourrait pourtant réintroduire dans l’agriculture. Les scientifiques ont recueilli de l’eau de pluie à plusieurs endroits du Japon, à plusieurs reprises, et dans 91 % des échantillons, ils ont trouvé des néonicotinoïdes. Ouvrir la bouche sous la pluie, pour boire quelques gouttes tombées du ciel, c’est sûrement rigolo, mais nullement recommandé !

    Mais comment un produit chimique qu’on met sur les plantes peut se retrouver dans les nuages ? Tout simplement parce qu’il est dispersé par pulvérisation. Une partie tombe bien sur les feuilles, les plantes, mais une autre partie se retrouve dans l’atmosphère. Sous l’effet des courants d’air, du vent, les particules de néonicotinoïde arrivent dans les nuages et donc in fine dans les gouttes de pluie qui retombent sur terre. Et puisque les nuages se déplacent, des zones éloignées de toute agriculture, y compris des zones naturelles protégées, se retrouvent polluées par l’eau de pluie.

    Polluants éternels

    Une eau décidément bien riche en polluants en tout genre. On parlait beaucoup, dans les années 1970 et 1980, des pluies acides qui décimaient notamment les forêts. Des pluies contenant du dioxyde de soufre et de l’oxyde d’azote, issus des centrales à charbon, ou des voitures, beaucoup plus polluantes à l’époque. On a réussi à les endiguer, en imposant des normes environnementales.

    Mais on sait qu’il y a d’autres polluants qu’on ne pourra jamais éradiquer, parce que ce sont précisément ce qu’on appelle des polluants éternels, les fameux PFAS. On en compte environ 10 000, utilisés partout dans l’industrie et la fabrication de très nombreux produits de consommation courante. Des PFAS qu’on retrouve depuis quelques années dans la pluie et dans la neige, jusqu’en Antarctique.

    À lire aussiPfas : peut-on se débarrasser des polluants éternels ?

    Cadeau empoisonné aux microplastiques

    Il pleut aussi du plastique, sous forme de microplastiques, invisibles à l’œil nu. Les océans sont une poubelle de plastique qui se désagrège et se retrouve dans le cycle de l’eau, dans l’évaporation, dans les nuages et dans la pluie. Une étude menée aux États-Unis a par exemple chiffré à 1 000 tonnes par an la quantité de microplastiques retrouvés dans les parcs nationaux nord-américains, des zones pourtant protégées. Ces microplastiques, responsables de macro-pollutions, sont transportées par la pluie et le vent.

    L’eau de pluie n’est donc pas potable. Et l’eau du robinet ou l’eau en bouteille, comme cela a été démontré par exemple en France, contient aussi des microplastiques, des pesticides et des PFAS. Recueillir de l’eau de pluie pour la consommer plus tard en période de sécheresse n’est donc pas une si bonne idée, quand on a le choix – parce qu’on ne va pas non plus mourir de soif pour éviter d’avaler des PFAS ou des microplastiques. On peut utiliser l’eau de pluie pour laver, arroser, mais surtout pas s’hydrater. La pluie, ce cadeau tombé du ciel, est devenue un cadeau empoisonné.

    続きを読む 一部表示
    3 分
  • Faut-il abattre les cormorans pour préserver le poisson?
    2025/06/04

    Faut-il abattre les cormorans ? Posée ainsi, la question est brutale mais belle et bien réelle, comme le révèle le site d’information environnemental Mongabay. Mais que reproche-t-on à ce grand palmipède au plumage noir avec des reflets verts et bronzés ? Pourquoi vouloir abattre une espèce protégée en France et en Europe depuis les années 1970 ?

    L'offensive contre les cormorans est menée par l’industrie piscicole qui reproche au volatile de prélever une partie du poisson d’élevage pour se nourrir. Pire encore, les industriels accusent le palmipède de décimer le poisson d’eau douce. Rien que ça. Ainsi, comme le révèle le site d’information Mongabay, la Commission européenne envisagerait un plan d’abattage du volatile alors qu’il fait partie de la faune partiellement protégée par la convention de Berne. Pour mémoire, les cormorans étaient proches de l’extinction en Europe dans les années 1970. 5 300 couples seulement avaient alors été recensés.

    La population de cormorans en pleine augmentation

    Sauvé d'une extinction annoncée, le cormoran est aujourd'hui une espèce en pleine expansion en Europe, grâce au programme de sauvegarde de l'animal et en raison du réchauffement climatique. Revers de la médaille, les fédérations de pêche se retrouvent vent debout contre le prédateur. Et pas seulement en France, loin de là. En 2024, les pays frontaliers de la mer Baltique, emmenés par la Suède, ont demandé à la commission européenne de revoir le statut du grand cormoran. Depuis 1979 et la directive Oiseaux, sa chasse est interdite, sauf en cas de dérogations. Les gouvernements baltes et scandinaves estiment donc qu'on ne parvient pas à limiter sa population. Début mai, une note a été transmise à l’exécutif européen par l’EIFAAC, une commission de l'agence des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation composée de représentants de la filière piscicole. Selon ce document, le Cormoran coûterait plus d’un milliard d’euros chaque année à cette filière.

    Des estimations peu fiables

    L’EIFAAC n’a fait aucun recensement des cormorans. Le dernier effectué officiellement en Europe date de 2012. Les chiffres avancés par l’EIFAAC ne sont donc que des suppositions, qui n’ont aucune valeur scientifique. Selon le Conseil national de protection de la nature, les cormorans prélèvent environ 3% du stock de poisson. Il leur arrive certes de se nourrir dans certains élevages piscicoles, mais cela ne représente pas grand-chose par rapport aux menaces qui fragilisent les milieux aquatiques comme les sécheresses, les barrages ou la pollution des rivières. Enfin, notent les spécialistes de l’oiseau, les cormorans se nourrissent essentiellement de cyprinidés, des poissons comme la carpe, qui sont très peu consommés par les humains. Plutôt que d’abattre les cormorans, ils suggèrent donc d’installer des filets sur les bassins piscicoles ou d’adopter des mesures d’effarouchement pour permettre une coexistence de ces différentes espèces, poissons-oiseaux.

    Un plan d’abattage du cormoran

    Mardi 3 juin, l'EIFAAC a présenté à Bruxelles, un plan d'abattage des cormorans. Dans la première version de ce plan, les auteurs réclamaient l’abattage de 150 000 oiseaux adultes par an. Cet objectif ne figure plus dans la nouvelle version du texte mais certaines mesures y figurant, relèvent plus de la barbarie que de la régulation d’une espèce. Le texte suggère par exemple, de détruire les nids et d’utiliser des drones pour pulvériser de l’huile sur les œufs ou les percer. Ou quand la technologie se met au service de notre inhumanité.

    続きを読む 一部表示
    3 分