エピソード

  • Togo: vingt ans, et après ?
    2025/06/14
    En Afrique de l’Ouest, hormis les régimes putschistes, il était un des rares à refuser la limitation (à deux) des mandats présidentiels. Pour continuer à diriger indéfiniment, sans passer pour le mouton noir du groupe, il a opéré un réaménagement cosmétique de la Constitution. À présent, ses adversaires attaquent ses résultats. Sous prétexte qu’il a échoué sur tous les plans, Faure Gnassingbé a été, ce 12 juin, sommé de démissionner, par l’opposition et la société civile. Cette injonction a-t-elle quelque chance d’être entendue par le dirigeant togolais ? Ce serait un miracle. Mais, comment reprocher à un peuple qui ne croit plus au pouvoir du bulletin de vote d’espérer un signe du ciel ? De la possibilité d’éconduire Faure Gnassingbé par les urnes, les Togolais, depuis longtemps, ont fait leur deuil. Il ne sait pas perdre ! Après tout, la réforme constitutionnelle contre laquelle protestaient les jeunes arrêtés la semaine dernière visait à perpétuer son bail aux commandes du Togo, en s’épargnant les accusations de mandats sans nombre. Ce serait véritablement un miracle, si, après toutes ces contorsions, il démissionnait, à la suite d’une simple injonction d'opposant. Tout comme il serait illusoire d’espérer le voir abandonner, par fierté, à cause de l’allusion à son bilan peu glorieux. À lire aussiTogo: «Le président doit démissionner», exigent opposition et société civile Manque de légitimité, carences de la gouvernance, échec sur le plan économique, incapacité à offrir un modèle exemplaire aux jeunes générations… Le tableau dépeint par le professeur David Dosseh pour exiger sa démission est accablant. S’accrocher au pouvoir avec un tel bilan, corroboré, en plus, par certains membres de son propre camp, relève des motivations impénétrables. Il faut du courage, beaucoup de courage, pour renoncer au pouvoir. Peut-être croit-il que les opposants sont juste de mauvaise foi, et que ses anciens partisans sont aigris… Au-delà des opposants et des déçus de son propre camp, Faure Gnassingbé a un problème plus grave, qui est sous les yeux de tous : les performances plutôt étincelantes des pays voisins. Oublions le Burkina Faso, qui a ses problèmes, en plus d’être un pays enclavé, tributaire des États côtiers pour ses exportations et importations. À l’est, le Bénin, sur qui le Togo avait, dans les années 70 et 80, une avance certaine, accrue par les ravages de la Révolution marxiste, sous Mathieu Kérékou. Même les lycéens et collégiens béninois préféraient, à l’époque, aller terminer leurs études secondaires au Togo ou même plus loin. Après la Conférence nationale de 1990, le pays s’est relevé, progressivement. Mais, ces neuf dernières années, le Bénin s’est construit avec méthode, dans une modernité qui s’étend à tout le territoire national, pas seulement à Cotonou et à Porto-Novo. D’aucuns évaluent, aujourd’hui, à un bon quart de siècle le retard qu’accuse le Togo par rapport au Bénin. Qui a, lui aussi, ses problèmes politiques. Mais, même ses plus féroces détracteurs reconnaissent à Patrice Talon d’œuvrer au mieux-être du Bénin et des Béninois. Rien à voir avec ce qu’une ancienne ministre des Armées, membre du clan au pouvoir à Lomé, qualifie de petits projets aux objectifs inavouables, vantés par une propagande dont l’unique finalité est la conservation de pouvoir. À l’ouest du Togo, le Ghana, on l’a souvent dit ici, rayonne plutôt. Est-ce bien cela ? Plus que jamais ! Un diplomate angolais, devenu ensuite ministre, raconte que dans les années 80, en poste à Accra, ils allaient, en fin de semaine, faire leurs courses et se détendre à Lomé. Aujourd’hui, lorsqu’ils ont besoin de détente, les Togolais qui en ont les moyens vont en villégiature au Ghana. Qui a, lui aussi, ses problèmes, mais avance de manière irréversible. On pourrait même poursuivre le voyage un peu plus loin, à l’ouest du Ghana, avec la Côte d’Ivoire, qui continue de se construire et d’impressionner. Il se trouve que les Togolais visitent ces États voisins, et n’ont donc nullement besoin de mauvaise foi pour constater que leur Togo, dans ce voisinage, est d’une anormalité d’autant plus triste que Faure Gnassingbé, arrivé au pouvoir à moins de 40 ans, aurait dû brûler, plus que tous, d’envie de très bien faire. S’accrocher au pouvoir n’est tolérable que si on s’applique, au moins, à faire le bonheur de son peuple. Mais toute boulimie de longévité au pouvoir qui se nourrit du mépris de ceux dont on accapare ainsi le destin est, au regard de l’Histoire, doublement coupable.
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  • Petite décrispation à Kinshasa
    2025/06/07
    Dans la rencontre de ce 5 juin entre Martin Fayulu et Félix Tshisekedi, certains voient une victoire politique pour le chef de l’État congolais, tandis que d’autres soupçonnent un ralliement et parlent d’opposition, de connivence. Comment se faire un avis, avec des appréciations aussi contrastées ? D’abord, une certitude : cette rencontre est un événement marquant de la vie politique congolaise. Mais, avant de tirer des conclusions définitives sur les motivations de l'opposant Martin Fayulu, comme sur la sincérité du président congolais Félix Tshisekedi, les Congolais devraient observer calmement l’évolution de ce nouveau climat. En mettant une multitude de guillemets bien solides au substantif « rapprochement ». À lire aussiRDC: le début d’un rapprochement entre Félix Tshisekedi et Martin Fayulu?Le diagnostic posé par Martin Fayulu se fonde sur des réalités que vivent douloureusement, dans leur chair, des millions de Congolais. Oui, la RDC est dans une passe difficile, et même en danger ! Oui, le sang des Congolais a trop coulé. Mais, devant un tel tableau, les leaders politiques devraient-ils constater et laisser faire, en espérant voir le chef de l’État déstabilisé, disqualifié ou renversé ? Ou alors surmonter les rancœurs pour sauver l’essentiel, qui peut encore l’être ? Voici venus les jours où les hommes d’État, ayant le sens du sacrifice et de l’intérêt général, se distinguent. À l’opposé des tacticiens de la politique, qui rapportent tout au profit personnel qu’ils peuvent en tirer. Au regard du contentieux historique entre lui et Félix Tshisekedi, il a probablement fallu à Martin Fayulu un certain courage, pour oser une telle initiative.Accusations de se positionner en candidat au poste de Premier ministreEst-ce pour cela que certains le soupçonnent de se positionner pour le poste de Premier ministre ? Dans ce monde, beaucoup aiment prêter aux autres leurs propres mesquineries. Le souci de l’intégrité territoriale et des victimes du M23 ne devrait pas être irrémédiablement suspect. Il est facile, pour chacun, de désigner l’autre comme opposition de connivence, de se proclamer opposition de rupture, à bonne distance de l’opposition armée. Mais, certains se positionnent à leur manière, en laissant la gangrène se propager, avec le cynique et secret espoir que la déconfiture aura raison du pouvoir qu'ils combattent et leur profiterait. Comme Premier ministre, Martin Fayulu, qui sait, serait peut-être moins incompétent que d’autres. Après tout, en 2018, lorsque son nom a surgi dans la présidentielle en RDC, les échos venant de Bamako vantaient ses qualités de dirigeant, du temps où il officiait à la tête de la compagnie ExxonMobil, au Mali. La jeunesse y admirait son leadership stimulant, il l’incitait à se surpasser, accroissait la productivité de tous et de chacun, en payant mieux les salariés. Cela ne garantit évidemment rien. Mais, s’il était finalement l’exception, qui confirmerait la règle de l’incurie généralisée ?Félix Tshisekedi et Martin Fayulu pointent accusent Joseph KabilaMartin Fayulu et Félix Tshisekedi accusent ouvertement Joseph Kabila d’être derrière la rébellion du M23. Joseph Kabila avait sous-estimé Félix Tshisekedi, qu’il espérait sans doute manipuler, comme tant de politiques, plus préoccupés par leurs intérêts tortueux que par le destin de leur peuple. Et si lui-même faisait partie du problème ? Avant 1997, il était totalement inconnu des Congolais. Puis, en janvier 2001, du jour au lendemain, il s’est retrouvé aux commandes de ce grand pays, au mépris de tout cadre constitutionnel. Son grand mérite était d’être le fils de Laurent-Désiré Kabila, assassiné par une main aussi mystérieuse que les intérêts opaques des armées étrangères qui l’avaient porté au pouvoir, quatre ans plus tôt. À la faveur d’une rébellion expéditive, les Congolais ont donc eu le père pendat quatre ans, et le fils pendant 18 ans. En pure perte, comme les 32 ans de Mobutu ! Et personne ne s’étonne de cette maladresse qui consiste, pour un ancien chef de cet État-là, à transiter, pour regagner sa patrie, par Kigali, capitale accusée de télécommander la rébellion du M23. Et il n’imagine pas que s’afficher avec les mêmes rebelles, à Goma sous contrôle, est une faute politique. Quel consternant désastre serait-ce, si le sursaut auquel appelle Martin Fayulu devait consister à seulement redistribuer les places autour de la mangeoire, sous les yeux ahuris d’un peuple congolais qui, depuis six décennies, résiste frénétiquement à l’avilissement !À lire aussiÀ New York, la RDC brigue un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU
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  • BAD: de quelle couleur est donc le développement ?
    2025/05/31
    Encore combien de décennies, pour que les peuples africains réalisent à quoi peut bien ressembler cette grande promesse des indépendances ? C'est là une question qui devrait préoccuper davantage la BAD, au moment où son président depuis dix ans s'en va, tout fier de son bilan, et que l'on vient d'élire son successeur pour les cinq prochaines années. Sidi Ould Tah, ex-grand argentier de la Mauritanie, élu, cette semaine, président de la Banque africaine de développement (BAD), prendra fonctions en septembre prochain. Vous évoquiez ici, la semaine dernière, cette élection avec d’infinies précautions. Le résultat vous paraît-il rassurant pour l’Afrique ?À présent que la messe est dite, on peut, non pas questionner les aptitudes et les éventuelles lacunes de certains prétendants, mais juste s’étonner que tel candidat d'Afrique centrale, pris en flagrant délit de népotisme dans des fonctions antérieures, ait pu aspirer à ce poste qui requiert impartialité, doigté et sens de l’intérêt général. Pour l’Afrique, c’est un véritable drame que de devoir subir les élites qui traînent d’institution en institution leurs tares et leurs échecs personnels.À la BAD, les problèmes sensibles que l’on retrouve dans la plupart des pays africains sont multipliés par cinquante. On ne peut donc la livrer à une élite capable de privilégier la médiocrité d’une culture de clan au sort d’un milliard et demi d’Africains. Ce n’est pas nécessairement le meilleur candidat qui l’emporte. Mais le niveau général est d’ordinaire suffisamment bon pour qu’un candidat qui a franchi l'étape de la pré-sélection puisse théoriquement diriger cette banque, où les compétences internes sont d'ailleurs telles que l’institution peut tourner normalement, sans président. En ces temps de déficit de respectabilité pour l’Afrique, le président dont a urgemment besoin la BAD est un leader d’envergure, capable d’imagination, de créativité, de vision, pour soustraire l’Afrique aux préjugés imbéciles dans lesquels l’enferment encore trop souvent certains.Quels sont donc ces préjugés ?Tel suggère, par exemple, que les difficultés de l’Afrique à se nourrir résultent de l’incapacité du paysan africain à travailler comme les autres. En oubliant que sous le chaud soleil, le paysan africain, avec sa houe rudimentaire, déploie parfois cinq fois plus d’énergie de ses muscles que les autres qui, eux, ont des engins agricoles mécanisés pour labourer leurs terres scientifiquement irriguées. Le paysan africain n’est pas paresseux, mais juste mal équipé. La BAD et les banques sous-régionales de développement devraient, en premier, trouver à tous des solutions, y compris coopératives, pour que la force de travail du paysan africain soit mieux utilisée.Les artisans du continent qui subissent des délestages intempestifs d’électricité amputant gravement leur productivité ne sont pas plus des fainéants. L’éducation, la santé et tant d’autres secteurs qui portent les conditions déterminantes de ce que l’on appelle le développement peuvent s’améliorer, avec une BAD plus proche des préoccupations de tous. Cela n’enlève rien à l’incurie de certains gouvernements, incapables, parfois, de simplement constituer des dossiers crédibles pour accéder aux financements disponibles.Où sont donc les certitudes d'espérance ?Taïwan, Singapour, Hong Kong et la Corée du Sud, qui étaient au même stade que les mieux portants des États africains dans les années 1970, disent aujourd’hui du développement : « Mission accomplie ! ». Ils sont passés au stade supérieur ! Le pire serait que les peuples africains en soient toujours à se demander, dans quarante ans, à quoi peut bien ressembler le développement. La crédibilité de la BAD réside plus que jamais dans sa capacité à proposer aux peuples africains des objectifs ambitieux, en précisant comment, par étapes, les atteindre.Babacar Ndiaye, président de la BAD entre 1985 et 1995, avait conforté la crédibilité l’institution en l’inscrivant durablement dans les notations des grandes agences. Il avait initié la création d’une Banque africaine d’import-export, pour que les États d’Afrique puissent vendre entre eux et hors du continent. Il a poussé à la création d’une table ronde des hommes d’affaires africains, en se promettant de pousser, le moment venu, à la jonction de ces deux entités avec la BAD, dans un objectif précis, qu’aucun de ses successeurs n’a vraiment repris. Sans continuité dans les ambitions, l’Afrique pourrait ainsi végéter encore longtemps. Et tous ces présidents qui prétendent avoir opéré des miracles, parce qu'ils ont simplement bien fait leur travail, convaincront d’autant moins que les peuples du continent ne perçoivent, dans leur quotidien, aucun signe de ces miracles.À lire aussiLe Mauritanien Sidi Ould ...
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  • BAD: ce qui manque le plus: des leaders visionnaires
    2025/05/24
    Des profils pointus, capables de gérer valablement une institution comme la Banque africaine de développement, l’Afrique en regorge à profusion, autant sur le continent que dans la diaspora. « Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement ». Tel est le thème des Assemblées de la Banque africaine de développement, qui se tiennent, la semaine prochaine, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. En quoi, précisément, ces assemblées sont-elles importantes pour la Banque et pour l’Afrique ?Dans le contexte international actuel, ces Assemblées auraient dû revêtir une importance majeure, qui ne transparaît, hélas, pas dans le thème retenu : « Tirer le meilleur parti du capital de l’Afrique pour favoriser son développement » semble d’une banalité ennuyeuse, pour une institution créée il y a plus de soixante ans.L’Afrique n’en finit pas d’être humiliée, et ce thème sonne comme un aveu d’impuissance, au moment où les peuples ont réellement besoin de voir leurs espérances portées par un leadership de qualité. Si l’Afrique était une seule nation, la Banque africaine de développement en aurait été le ministère du Développement. Et, dans un pays sous-développé ou en voie de développement, quel département est plus important que le ministère du Développement ? La vision du président de cette institution a donc forcément une incidence sur la manière dont les autres traitent l’Afrique. Souvenez-vous du guet-apens dont a failli être victime, cette semaine, Cyril Ramaphosa dans le Bureau ovale ! Le chef de l’État sud-africain, une des trois premières, sinon la première économie du continent ne pouvait être traité comme l’a fait son homologue américain.Sauf que Donald Trump traite la plupart comme il a traité l’Ukrainien Volodymyr Zelensky, en février dernier…Non, pas exactement. Nous avons vu le même Donald Trump doux, presque obséquieux, face aux dirigeants du Golfe. Il sait donc montrer du respect à ceux qui lui en imposent, au moins par leurs richesses, leur fortune sinon par leurs largesses. L’Afrique du Sud est un pays aux potentialités immenses. Comme une dizaine d’autres États du continent qui, s’ils étaient mieux gérés, feraient aussi bonne figure que certains de ceux que le locataire de la Maison Blanche révère, bon gré mal gré, dans le Golfe.Dans le nouvel ordre mondial qu’il nous conçoit, seule la puissance économique protège. Car, pour ce qui est de la démocratie, du respect des droits de l’homme et des grandes valeurs que prône habituellement les États-Unis, les amis devant lesquels Trump se fait tout doux dans le Golfe n’ont rien de plus que ceux qu’il méprise en Afrique. Pour se hisser à la hauteur de ses critères de respectabilité, l’Afrique a plus que jamais besoin de mieux se gouverner. D’où la nécessité d’un leadership visionnaire dans une institution comme la Banque africaine de développement, qui devrait être non seulement « la banque », mais aussi un prestigieux bureau d’études à la disposition des États du continent. Croire qu’il leur suffit d’apporter en offrandes à la Maison Blanche les richesses de leur sous-sol pour que Donald Trump leur montre du respect est une douce illusion.Qu’attend alors la BAD pour se trouver d’excellents dirigeants ?Des profils pointus capables de gérer valablement une institution comme la Banque africaine de développement, l’Afrique en regorge à profusion, autant sur le continent que dans la diaspora. Mais, dans un monde qui ne fonctionne plus que par intérêt, l’Afrique ne s’imposera pas juste avec des gestionnaires, aussi excellents soient-ils. Ce dont elle a cruellement besoin, ce sont des leaders visionnaires, capables d’anticiper et de relever les défis, de penser l’avenir pour valoriser au mieux les atouts d’un continent par ailleurs généreusement doté par la nature.Depuis sa création, en 1964, la Banque africaine de développement a eu des présidents bien formés, bardés de diplômes, souvent décrochés dans les plus prestigieuses institutions de la planète. Le Soudanais Mamoun Beheiry, premier président de l’institution, était diplômé d’Oxford. Et tous ses successeurs avaient de remarquables références à faire valoir. Mais seulement deux ou trois ont pu propulser la Banque à des niveaux significativement plus élevés que celui auquel ils l’ont trouvée. Peut-être que les actionnaires devraient, à l’avenir, demander aux postulants un véritable programme de gouvernement, avec un chronogramme, afin de s’assurer qu’ils ne vendent pas aux peuples des rideaux de fumée, comme en politique. C’est aussi cela, penser l’avenir.À lire aussiQui succédera à Akinwumi Adesina à la tête de la Banque africaine de développement?
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  • Au Mali, consternant pari !
    2025/05/17
    Dans un pays, le Mali, où tant de jeunes sont morts, depuis mars 1991, pour la démocratie, dissoudre purement et simplement les partis politiques, avant d'avoir pensé, ensemble, l'avenir, n'a rien de rassurant. À bien des égards, cela revient à miser sur l'apathie, sinon la résignation de ce peuple. Une méprise. C’est par un décret, lu à la télévision nationale, ce 13 mai, que le pouvoir de Bamako a dissous les partis et organisations politiques du Mali. Peut-on, comme le font certains, assimiler cette décision à celle de Brice Oligui Nguema, qui a annoncé aux chefs de partis, ce 6 mai à Libreville, des réformes visant à réduire le nombre des formations, avec des critères plus contraignants pour la création d’un parti au Gabon ?Entre la démarche de la junte malienne et celle du président élu du Gabon, aucune comparaison possible. D’un côté, un pouvoir militaire sans l’onction démocratique se débarrasse de ce qui le gêne ou ne lui convient pas dans la vie politique. De l’autre, un président, certes, également parvenu au pouvoir par un putsch, mais qui a attendu d’être réhabilité par le suffrage universel pour engager – seulement engager – des consultations visant à réduire, sur la base de critères plus rigoureux, le nombre de formations. Pour le reste, la pléthore de partis politiques est préoccupante, au Mali, comme au Gabon et dans bien trop de pays africains.Trois cents partis pour 23 millions d’habitants, au Mali ; quelque 106 formations, pour seulement 2 millions d’âmes, au Gabon. C’est d’autant plus affligeant que, dans la réalité, la part de la population adhérant effectivement à ces partis représente rarement plus de 10% de l’ensemble. Mettre de l’ordre dans ce capharnaüm relève de la salubrité publique. Et, justement parce qu’il s’agit de salubrité publique, ce ne peut être l’œuvre, unilatérale, du seul pouvoir du moment, a fortiori lorsqu'il est issu d’un putsch. Pour emporter l’adhésion de tous, les décisions qui engagent autant une nation requièrent un minimum de consensus. N'est-ce pas ce que suggérait, cette semaine sur RFI, l’avocat malien Mamadou Ismaïla Konaté, qui s’interrogeait sur les motivations du général Assimi Goïta ?Maître Mamadou Ismaïla Konaté est un sujet brillant, articulé et d’autant plus crédible que nul ne lui connaît d’affiliation politique. Ancien Garde des Sceaux, il est un des rares ministres à avoir eu, durant la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta, le courage de démissionner, quand les autres se faisaient congédier. Ces dernières années, sur les réseaux sociaux, pendant que beaucoup se taisaient, lui rappelait aux inconditionnels de la junte le côté risible de certaines de leurs incohérences. Comme lui, beaucoup se demandent en quoi, concrètement, la suppression des partis politiques sert les intérêts du peuple malien.À lire aussiMali: après la dissolution des partis, les réformes vont se poursuivre, la «résistance» s'organiseLa démarche des Gabonais semble bien plus cohérente, qui laisse à un président élu l’autorité, non pas pour tout abolir, mais pour engager des consultations (et un chantier) visant à assainir cet environnement, sur des bases rigoureuses, pour plus de représentativité des partis, d’ici aux législatives.Ces restrictions ne sont-elles pas, par essence, un frein à la liberté ?Aux États-Unis, pays de quelque 340 millions d’habitants, la vie politique est régie par deux grandes formations. Certes, il y en a quatre, dits « partis tiers », et une petite trentaine, périphériques, dits « partis nationaux », mais dont on ne parle qu’accidentellement sur l’échiquier politique. À part quelques grandes déceptions survenues ces derniers temps, la démocratie américaine fonctionne, en général, plutôt bien. Au Nigeria, pays de 230 millions d’âmes, deux partis dominent la vie politique, en plus d'une petite dizaine de formations végétatives. On pourrait aussi citer le Ghana, 33 millions d’habitants et seulement deux partis politiques majeurs. La démocratie y est vivante, davantage que dans toutes ces nations africaines où chaque groupe ethnique, chaque région dispose de « son » parti. Assainir cette jungle est un impératif. Mais, en la matière, les réformes durables et bénéfiques sont celles qui s’appuient sur un vaste consensus démocratique. Ce que déplorent les Maliens, c’est que, d’autorité, une junte démolisse tout, sans avoir pensé l’avenir. Un peu comme dans ces armées où on ne commence à réfléchir qu’une fois le coup de feu parti. Dans un pays où tant de jeunes sont morts, depuis mars 1991, pour la démocratie, cette méthode est juste consternante.
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  • Léon XIV a tout pour comprendre les Africains
    2025/05/10
    « L'homme humilié ne peut être voulu de Dieu », disait, au IVᵉ siècle, Saint Augustin l’Africain, évêque d’Hippone, Père de l'Église, théologien, père spirituel de l’ordre dont vient le nouveau pape. Dans un monde où tant d’hommes de pouvoir, chrétiens, semblent n’avoir pour programme politique que l’humiliation de l’autre, des autres, l’insistance de Léon XIV sur le fait qu’il était « un fils de Saint Augustin » n’était pas un rappel anodin. En l’espace de vingt-quatre heures, les cardinaux, réunis en conclave dans la chapelle Sixtine, ont porté l’Américain Robert Francis Prevost à la tête de l’Église catholique. Comment expliquer que l’enthousiasme déclenché par l’élection du pape Léon XIV gagne bien plus que le milliard et demi de catholiques que revendique la religion catholique ?Des obsèques du pape François à l’élection de son successeur, ce 8 mai, l’Église catholique, apostolique et romaine a rendu une copie plutôt propre, voire impeccable. Elle a exhibé son plus attrayant profil, et l’impressionnant faste romain a fait le reste. Le pape élu, rayonnant d’humilité, a conquis le monde aussi bien par sa simplicité que par la sincérité de ses propos. Par définition, le souverain pontife est un homme influent. Mais s’il séduit tant, c’est parce qu’il ne parle pas qu’aux seuls fidèles de son Église. Il parle pour tous, surtout pour les plus faibles, sans chercher à séduire ou à impressionner. Au-delà du prestige que confère a priori le Saint-Siège, la façon dont ce pape saura incarner la fonction déterminera son poids dans le monde. Ses premiers pas semblent convaincants, mais Léon XIV devra, face à chaque défi planétaire, prouver son courage et son souci de la justice. Son histoire personnelle laisse espérer qu’il saura être un grand pape.À lire aussiLéon XIV, nouveau pape élu: Robert Francis Prevost, un homme de synthèse modéré et premier pape nord-américainQuelle est donc cette histoire personnelle ?Cela a été dit et répété : il est le premier pape américain. Lui-même l’a précisé : il est aussi le premier pape péruvien. Mieux encore, il est un authentique citoyen du monde, grâce à la diversité et la richesse de ses origines. Même les non-croyants pourraient croire que le Saint-Esprit s’est effectivement mêlé de l’élection de ce pape.Entre le père, lieutenant de vaisseau de l’US Navy, d’ascendance française et italienne, et la mère, d’ascendances riches et variées, ce pape est un concentré de tant de peuples ! Son histoire interpelle les champions de l’intolérance et du rejet de toute différence. Il se glisse comme un subtil trait d’union entre les peuples et divers mondes. Léon XIV est comme un hymne à la tolérance, à l’ouverture. Américain, évidemment ! Péruvien, aussi ! Italien, également ! Français, aussi, quelque part. Mais alors, du côté de sa mère, la diversité des origines pousse à se demander si l’histoire n’est pas trop belle. Que les cardinaux aient choisi un pape né d’une mère aux origines aussi diversifiées est un… don du ciel.La mère de Léon XIV, bibliothécaire, est en effet d’ascendance créole, louisianaise, haïtienne et espagnole. Son grand-père maternel est natif d’Haïti, et sa grand-mère maternelle, une créole métisse de Louisiane, native de La Nouvelle-Orléans. Ses grands-parents maternels sont tous deux issus de familles mulâtres, avec des ancêtres esclaves noirs. De cette présentation, que confirment diverses sources, dont le New York Times, on pourrait conclure que Léon XIV, premier pape américain, premier pape péruvien, pourrait aussi être un lointain descendant d’esclaves, et le premier pape ayant une ascendance africaine depuis le Vᵉ siècle. Pape migrant, aussi, quelque part, Léon XIV est une cinglante interpellation à tout ce que proclament les plus intolérants des dirigeants du monde d’aujourd’hui. Une histoire personnelle aussi riche ne pouvait qu’influencer ses choix et son évolution comme missionnaire.En quoi, concrètement ?Parmi les nombreuses congrégations que compte l’Église catholique, il a choisi, pour donner à sa vocation une orientation pertinente, l’ordre de Saint Augustin, un de ces ordres mendiants apparus au XIIIᵉ siècle, avec vœu de pauvreté radicale, pour vivre de charité, en joignant vie contemplative et vie apostolique. Saint Augustin l’Africain, leur père spirituel, est né dans l’actuelle Algérie. Il disait que l’homme humilié ne pouvait être voulu de Dieu. En somme, que l’humiliation de l’autre ne pouvait être une attitude vraiment chrétienne. Voilà qui définit parfaitement le pape que viennent de se donner les catholiques.À écouter aussi[1] Émission spéciale : « Habemus papam »
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  • Gabon: spectaculaire retour en grâce
    2025/05/03
    Prendre le pouvoir par les armes n'est pas, en Afrique, un péché fatalement mortel, qui vous envoie brûler en enfer. Vous pouvez même, au terme d'un bref passage au purgatoire, avoir droit à une entrée triomphale dans le club des chefs d'État. C'est juste une question d'habileté. Jour de fête, à Libreville ! Le général Brice Oligui Ngema prête serment, ce samedi 3 mai, en présence d’une quinzaine de chefs d’État africains. Ces réjouissances célèbrent à la fois le rétablissement de l'ordre constitutionnel, interrompu par le coup d’État d’août 2023, et le retour du Gabon dans la grande famille continentale. L’Afrique n’a-t-elle pas raison d’y adhérer ?Il y a probablement quelque chose à célébrer en dehors des succès personnels du général Brice Oligui Ngema. Avec ses compagnons de putsch, il avait, en 2023, mis le Gabon au ban des nations africaines, qui les sommaient alors de retourner dans les casernes, en rendant le pouvoir aux civils, en rétablissant l'ordre constitutionnel par des élections libres, équitables, crédibles et transparentes. La plupart de ces injonctions se sont vite évaporées. Il n’empêche. Ce sont les mêmes dirigeants africains qui vont le célébrer, ce jour, à Libreville. Avec une telle capacité d’oubli, l’Union africaine serait peut-être plus crédible en admettant, une fois pour toutes, que les coups d’État ne sont qu’un mode d’accession au pouvoir, comme un autre. Le général Oligui Nguema pouvant aussi inspirer d’autres aspirants putschistes…En quoi consisterait donc cette inspiration ?Vous commencez par prendre le pouvoir par les armes. Puis, une fois aux commandes de l’État (et de ses moyens), vous vous constituez une clientèle politique. Vous vous présentez ensuite devant les électeurs, et voilà votre situation régularisée ! Alors, en costume civil impeccable, vous pourrez écumer les sommets, sans que nul n’ose vous demander comment vous y êtes parvenu. Quant à votre prédécesseur qui s’est débrouillé pour être renversé. Tant pis pour lui ! Il mérite son sort, le vaincu ! Ainsi fonctionne le club des chefs d’État. Peu importe si les coups d’État, comme prône l’Union africaine, compromettent la démocratie, la paix, la sécurité et la stabilité, ainsi que le développement des pays du continent !Avec près de 95% des voix, Brice Oligui Nguema ne peut-il pas s’enorgueillir d’être réellement désiré par son peuple ?Oui, ce score époustouflant, presque sans fraudes, mériterait même de chaleureuses félicitations ! Les Gabonais l’ont plébiscité. Il saura mériter leur confiance. Sinon, comme tous les peuples, ils accepteront plus facilement de subir sa politique. Bien sûr, la facilité avec laquelle l’électorat se convertit à de nouveaux cultes laisse souvent songeur. Sous tous les cieux, les peuples ont une telle soif de héros que certains finissent par être victimes de leur propre crédulité. Même si on n’en est pas encore là, au Gabon.Mais, étant donné que les célébrations ont déjà commencé, pourquoi ne pas se réjouir de ce que, sur cinq nations africaines passées sous la botte de militaires putschistes depuis 2020, une, au moins, aura renoué avec la normalité. Quelle chance ! Car, ailleurs, tel autre putschiste, sans passer par le suffrage universel, s’apprête à s’octroyer une rallonge de cinq années de pouvoir, en plus des quatre déjà passées au palais présidentiel. En attendant d’autres prorogations, si le peuple le désire… Président à vie, putschiste à bail emphytéotique, qui voudrait ne plus être désigné que comme président de la République. Tous les putschistes ne se valent décidément pas !Faut-il comprendre que certains putschistes sont dignes d’admiration ?Il y en a que l’on admire pour avoir mis fin à un régime insupportable, c'est le cas de Brice Oligui Nguema, tombeur d’Ali Bongo, ou de Zine el-Abidine Ben Ali, qui avait renversé Habib Bourguiba, en Tunisie. Cela ne présume rien de ce que sera, ensuite, leur propre régime. D’ailleurs, Ben Ali lui-même a mal fini. Certains prennent le pouvoir pour nettoyer les écuries et impulser une dynamique politique saine, tel Amadou Toumani Touré qui, parce qu’il a bien conduit sa transition, reviendra par les urnes, dix ans plus tard. Autre cas, emblématique, trop souvent cité ici, faute d’antidote : Jerry Rawlings, au Ghana. En trois mois, il a organisé des élections et rendu le pouvoir au civil élu. Il reviendra cependant quinze mois plus tard, pour finir d’assainir l’économie et initier, en 1992, une démocratie exemplaire. Rien en commun avec les putschistes rêvant d’éternité, qui craignent tant le suffrage universel.
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  • Le pape François: testament pour la Création et les Créatures
    2025/04/26
    Il l'adressait aux Américains, en septembre 2015. « Traitez les autres avec la même passion et la même compassion avec lesquelles vous souhaitez être traités ». Ainsi parlait le pape François aux élus américains, réunis pour l'acclamer en 2015. Dix ans plus tard, cette exhortation s'impose plus que jamais, et tous devraient la méditer, au moment où la planète fait ses adieux au pape argentin. Quelque 130 délégations étrangères, dont une bonne cinquantaine de chefs d’État assistent, ce samedi 26 avril, aux obsèques du pape François, en plus des milliards de téléspectateurs et des centaines de milliers de fidèles qui lui rendent hommage, depuis le 21 avril. Comment comprendre cet intérêt planétaire pour ce pape réputé simple ?Au-delà de l’affliction, compréhensible, des catholiques, la disparition du souverain pontife émeut, car la plupart lui reconnaissaient des valeurs, une grande sincérité, beaucoup de simplicité et d’empathie. Autant d’atouts qui, aux yeux des peuples du monde, manquent à nombre de ceux qui tiennent aujourd’hui le gouvernail de la planète. Pour frapper l’imagination et les consciences, François savait trouver les bons termes et, au nom de ce qui est juste, il assumait de déplaire.Dans un monde régi par la brutalité, la raison du plus fort et la capacité à intimider, sinon à agresser, ce pape savait, sans haine ni malice, exprimer des convictions fortes sur les dysfonctionnements qui affectent l’humanité. Maintenant qu’il n’est plus, notre monde semble privé de l’essentiel du peu de conscience qui lui restait. Et, en attendant que le prochain pape devienne suffisamment audible, pour imposer son style et sa voix, François manquera cruellement à la terre entière.Puisqu’il demeure populaire, même dans la mort, pourquoi ne pas ressusciter, pour les valoriser, ses idées les plus percutantes ?Cela supposerait des disciples organisés, que François, pape bien trop humble, n’a pas imaginé mobiliser de son vivant. Mais certaines de ses idées infusaient déjà, qui sauront prospérer toutes seules. Ainsi de la protection de la planète, qu’il définissait, dans une encyclique, en 2015, comme « un bien fondamental », « la maison commune à sauvegarder », de « la culture du déchet ». « La protection de la planète, rappelait-il, est la tâche la plus urgente de notre temps. Nous en sommes tous responsables. Nul ne pourra dire : je n’y suis pour rien ».De même, pour protéger les faibles et les démunis, François prônait moins de disparité dans une économie mondiale où 20% de l’humanité détient environ 80% des richesses. Ce déséquilibre marginalise, exclut, laisse à l’écart. « Notre époque nous parle de tant de pauvreté, disait-il, et la pauvreté est un cri. Dans un monde avec autant de richesses, c’est un scandale que tant d’enfants soient affamés et privés d’éducation ; que tant de gens meurent de faim ! ».Pour le défunt pape, les migrants sont une boussole que les pouvoirs ne peuvent ignorer durablement, sans risquer d’en être eux-mêmes victimes. Aussi, mettait-il en garde, à Lampedusa, contre « la mondialisation de l’indifférence », qui vous habitue insidieusement à la souffrance des autres. Comme si c’était quelque chose de normal. « Ces gens sont victimes d’une injustice mondiale. Pourquoi doivent-ils, à cause de la guerre ou de la faim, quitter leurs terres ? »À lire aussiItalie: le pape François sur l'île de Lampedusa pour attirer l'attention sur le drame de l'immigrationNe faut-il pas, au regard de la situation actuelle, convenir que lui-même n’a pas été entendu ?Peut-être. Mais il avait prévenu. Cette surdité feinte ne sera pas sans conséquences : « Plus vous êtes puissant, plus vos actes ont des effets sur les gens, plus vous serez amené à être humble. Sinon, le pouvoir vous détruira, et vous détruirez les autres ». En bon pasteur, François avait, en septembre 2015, livré l’antidote au Congrès des États-Unis. La règle d’or : Traiter les autres avec la même passion et la même compassion avec lesquelles on souhaite être traité. Rechercher pour les autres les mêmes opportunités que l’on cherche pour soi-même. Aider les autres à grandir, comme on aimerait être aidé. Si on veut la sécurité, il faut donner la sécurité. Offrir des opportunités, si on veut des opportunités. « La mesure que nous utilisons pour les autres sera celle que le temps utilisera pour nous », avait insisté le pape. Feindre d’être sourd aux cris de détresse des autres, c’est prendre le risque que Dieu ne vous entende pas, lorsque vous l’invoquerez, pour lui rappeler qu’il a toujours été de votre côté.À lire aussiLe pape François, un bâtisseur de ponts et de réformes
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