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Gérard Biard, rédacteur en chef de «Charlie Hebdo»: «Les personnes assassinées le 7 janvier 2015 sont toujours avec nous»
- 2025/01/07
- 再生時間: 8 分
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サマリー
あらすじ・解説
Nous sommes le 7 janvier 2025, soit dix ans jour pour jour après l'attentat qui a frappé la rédaction de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. C'était le 7 janvier 2015 : un commando de deux terroristes pénétrait dans la rédaction du journal et abattait froidement plusieurs dessinateurs dont Cabu, Tignous, Wolinski, Charb, Honoré. L'attaque fera douze morts et provoquera une onde de choc en France et dans le monde. Le slogan « Je suis Charlie » s'affichera sur des pancartes et dans des manifestations partout sur la planète. Dix ans après, que reste-t-il de l'esprit Charlie ? Quel avenir pour le dessin de presse, la caricature ? Quel avenir pour Charlie Hebdo ? Gérard Biard, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, répond aux questions de RFI. RFI : Bonjour, Gérard Biard. Dix ans après, comment allez-vous ?Gérard Biard : Si vous voulez savoir comment on va, il y a quelque chose qui est très simple, c'est simplement d'acheter le journal toutes les semaines. Vous verrez comment se porte la rédaction, comment nous-mêmes, on se porte et le regard qu'on porte sur notre société.Dix ans après, j'imagine que c'est encore difficile peut-être de faire le deuil. Comment est-ce que vous gérez la chose ?Dix ans après, je dirais que c'est un petit peu inévitable, parce que c'est la date anniversaire, c'est la date symbolique. Tout le monde se dit : « Ah, oui. C'est vrai, il s'est passé ça ce jour-là. » Pour nous, les personnes qui ont été assassinées le 7 janvier 2015, elles sont toujours avec nous, on les porte toujours en nous. Quelque part, elles sont aussi toujours présentes dans les pages du journal. C'est eux aussi qu'on essaie de faire vivre et de continuer à faire vivre chaque semaine quand on fait ce journal.Dans une interview au Monde il y a quelques jours, Riss disait que lui peut être et d'autres à Charlie se sentaient parfois seuls quand il y avait des procès contre Charlie. Est-ce que c'est aussi le sentiment qui est le vôtre ? Est-ce que dix ans après, vous vous sentez seul ?On aimerait bien effectivement que des gens, parfois de notre propre famille politique, nous soutiennent davantage ou nous soutiennent tout court, au lieu de nous mettre des cibles dans le dos. Mais d'une manière générale, on a des abonnés, on a des gens qui nous écrivent toutes les semaines, on a des lecteurs fidèles. La plupart des gens qui nous écrivent disent combien Charlie est important pour eux. Ça nous fait plaisir. On ne va pas dire le contraire.Nous réalisons cette interview dans le bureau de votre attaché de presse, pas à Charlie Hebdo. Ce n'est toujours pas possible, parce que vous recevez toujours des menaces ?J'ai tendance à dire que tout le monde en reçoit tous les jours. Il suffit d'être sur les réseaux sociaux pour recevoir des menaces et parfois même des menaces de mort. Donc oui, de toute façon, on reçoit toujours des menaces. Mais on tient aussi à ce que la rédaction de Charlie Hebdo reste un sanctuaire.Quid du dessin de presse ? Dix ans après, est-ce que vous estimez que certains journaux, nous-mêmes, on a régressé peut-être sur ce point précis ?Oui, ça, c'est certain. Il y a de moins en moins de journaux qui publient des dessins de presse. Le New York Times a décidé de cesser toute publication de dessins de presse, quel qu'il soit d'ailleurs, qu'il soit politique ou tout simplement sociétal. Parce que le dessin, le dessin de presse, la satire, la caricature, ce sont des emmerdements. Ça veut dire potentiellement des polémiques, donc visiblement, la direction éditoriale du New York Times préfère avoir la paix et être tranquille. Elle ne veut pas d'ennuis. En fait, c'est embêtant quand on prétend défendre la démocratie et la liberté d'expression dans un pays qui va, je pense, en avoir besoin dans les quatre années qui viennent. Le dessin de presse et la caricature, c'est un outil indispensable à l'exercice du journalisme et à la presse. C'est ce qui permet de faire ce que Gébé appelait un pas de côté, de montrer aussi ce qui se cache derrière les discours, ce qui se cache derrière un personnage, ce qui se cache derrière un fait de société. Ce qu'on ne peut pas ou ce qu'on ne veut pas montrer, ou voir. C'est vrai que c'est un outil difficile à manier, parce que ça demande beaucoup de travail, ça demande beaucoup de réflexion, ça demande beaucoup d'intelligence. On ne fait pas un dessin de presse comme ça. On ne le jette pas comme ça sur le papier, ce n’est pas vrai, ça n'existe pas. C'est du boulot, mais c'est un boulot indispensable si on veut faire un travail de journalisme complet, honnête et un travail de réflexion que n'offrira pas forcément ou beaucoup plus difficilement un texte, y compris le plus brillant des textes d'analyse.Il y a des choses que, justement, vous vous refusez à faire, à dire, à écrire ou à dessiner dix ans après ?Il y a, pour commencer, ce que permet la loi. La loi sur ...